Profession : passeuse d’âmes
Publié le Spiritisme
Aider l’Esprit des défunts à accomplir leur migration et à quitter tout à fait le séjour des vivants, c’est le « métier » qu’exerce les passeuses d’âmes, appelées par certains pour désenvoûter la maison qu’ils occupent après les manifestations d’un « esprit frappeur » par d’autres pour aider un proche dont ils craignent qu’il ne soit pas parvenu à aller sereinement dans l’au-delà.
Hexagon a souhaité aller à la rencontre de celles s’occupent de l’âme des morts et montrer l’envers du décor, ce qu’elles font vraiment au-delà des clichés.
Qu’est-ce qu’une passeuse d’âme ?
La passeuse d’âmes est une médium spirite spécialisée dans l’aide au passage des Esprits défunts depuis l’ici-bas vers l’au-delà. Quitter son enveloppe charnelle n’est que la première étape du cheminement vers l’après-vie. Une âme désincarnée peut tout de même rester liée à un objet, un lieu, une temporalité, et en rester prisonnière. La passeuse d’âmes va utiliser ses capacités médiumniques pour aider l’âme à se libérer du lien qui les retient et réaliser son grand passage.
Par extension, elle est capable d’intervenir pour désenvoûter un lieu, même si ça n’est pas sa vocation première, qui est véritablement d’accompagner l’âme dans son processus de transmigration.
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Rencontre avec Émilie*
[*Le prénom a été changé à la demande de l’interviewée.]
Nous avons rencontré Émilie, passeuse d’âme dans une grande ville du sud-ouest de la France. Celle-ci exerce, gratuitement (ou seulement défrayée), ce qu’elle ne considère pas comme une profession mais comme une « fonction » ethnologique. C’est par le bouche-à-oreille qu’elle se fait connaître.
Hexagon : Émilie, merci d’avoir accepté notre interview. Pouvez-vous vous présenter pour nos lecteurs ?
Émilie : Je m’appelle Emilie, j’ai 42 ans et je suis ce que l’on appelle une passeuse d’âmes. Très simplement, j’aide les désincarnés à trouver leur chemin et à le continuer sereinement. Un peu comme une psychologue le ferait avec l’Esprit des vivants, souvent beaucoup plus simplement d’ailleurs, parce que leurs problématiques sont dépouillées de tout le fatras de circonstances, d’émotions et de pensées embrouillées qui nous traversent.
H. : Il n’y a donc rien de magique dans votre pratique ?
É. : Aucune magie là-dessous, en tout cas pas selon ma perception, même si cela reste très ritualisé je le reconnais. J’aide les âmes à passer dans l’autre-monde, de manière très concrète, très prosaïque, en écoutant leurs problèmes, en enquêtant sur ceux-ci et en les résolvant si possible. Parfois cela ne l’est pas, et je prie, en essayant de leur demander d’accepter qu’il n’y ait pas de solution et en les conduisant au détachement.
H. : Comment aidez-vous les âmes à passer dans l’au-delà ?
É. : La première chose, c’est d’entendre ce que ces âmes ont à dire, ou de voir ce qu’elles ont à montrer. Pour entendre il ne suffit pas d’écouter, il faut la comprendre intimement. Pourquoi ne pas vouloir quitter ce monde quand on a plus rien à y faire ? Précisément parce que tout n’a pas été fait. Vient ensuite la recherche d’une solution. Parfois je dois me documenter, ou chercher des réponses, en interrogeant les proches, en lisant les journaux, en recontextualisant.
H. : Comment avez-vous sur que vous deviez aider les morts ?
É. : Un beau jour, j’ai compris que quelque chose était différent en moi, en découvrant que la personne à laquelle je parlais n’était vue que de moi. Je ne me suis jamais crue dérangée. J’ai immédiatement su que ce qui se passait n’avait rien de grave. Peu de personnes sont au courant de ce don autour de moi, parce que je ne veux pas devenir un animal de cirque ou susciter une curiosité malsaine. Les gens que j’aide respectent ça.
H. : Croyez-vous à la survie de l’âme ?
É. : Pour moi cela ne relève pas d’une croyance, mais d’une expérience. Les âmes sont pour moi tout aussi palpables que les personnes que vous croisez dans la rue. J’en rencontre très souvent, et j’échange avec elles, tout comme je le fais avec vous en ce moment, même si les modalités de cette communication sont un peu différentes. Un beau jour l’enveloppe meurt, et l’âme se dépouille de son enveloppe pour continuer son chemin. Si elle n’arrive pas à avancer, je cherche à l’aider. Ce qu’elle devient ensuite, je ne le sais pas [rires].
H. : Pouvez-vous leur demander ce qui va advenir ?
É. : On me pose souvent la question ! Le futur m’est totalement inconnu. Je ne suis pas voyante. Je suis simplement une médium qui peut converser avec les âmes restées sur Terre, mais ça ne va pas au-delà. D’ailleurs, il ne m’est jamais venu à l’idée de poser ce type de questions aux Esprits avec qui je parlent. Je suis une personne qui ne veut pas connaître l’avenir. Je préfère le voir se présenter à moi, spontanément, avec tout ce qu’il a de nouveau.
H. : Vous avez une activité quelque peu « spéciale ». Quelles sont les réactions autour de vous quand vous dites quel est votre métier ?
É. : Je suis étonnée que l’on s’étonne de me voir me préoccuper de l’âme de nos morts [rires]. Notre société est pourtant restée liée à des rites funéraires. Nous veillons nos morts, nous les embaumons, nous célébrons une messe pendant laquelle des prêtres parlent de résurrection, puis nous les enterrons, nous prononçons un discours et allons fleurir leur tombe régulièrement. Nous protégeons les sépultures contre la profanation, que nous regardons comme un délit particulièrement détestable. Si la vie s’arrêtait avec la mort physique, nous ne ferions pas tout ça. Notre société se prétend « cartésienne » mais elle prouve le contraire tous les jours. Et c’est tant mieux.
Le « métier »
En somme, le passeur d’âmes manœuvre une matière intangible (pour nous du moins) : l’Esprit d’un défunt, qui n’a pas su, ou voulu, finir son processus de désincarnation pour gagner les régions supérieures. Il les perçoit, sans leur énergie, ou peut les voir. Aujourd’hui, en France, ces pratiquent connaissent un renouveau.
Certaines cultures n’ont jamais cessé de les mettre en œuvre. C’est le cas en Chine, et même, dans l’une des villes les plus matérialistes et les plus densément peuplées du monde, Hong-Kong. Là-bas, des spécialistes du désenvoûtement interviennent fréquemment après qu’un logement libéré par le décès de son occupant est revendu ou reloué. Ce rite est fréquent, au point où il est pris en charge par des professionnels capables de capter l’énergie du défunt et de lui permettre de quitter le lieu auquel il s’accroche encore, pour rejoindre le séjour des âmes apaisées. Dans une société fortement animiste, ces rituels libérateurs peuvent s’étendre aux animaux. Il y a une âme en toute chose, et celle-ci doit être respectée, car elle peut interférer avec le monde des vivants.
C’est aussi le cas de tous les peuples animistes, qui s’inquiètent de conduire l’âme de leurs morts jusqu’à sa prochaine réincarnation, ou à les garder en paix.
Enfin, le passeur d’âmes est le psychagogue antique.
Les passeuses d’âmes célèbres
Au Canada, c’est la très médiatisée médium Isabelle B. Tremblay qui a porté ce rôle de passeuse d’âmes au devant des médias et du grand public. Dans un pays habité par des peuples indigènes animistes, cette pratique n’a rien d’hors norme. Ses livres lui ont acquis une grande notoriété, au-delà des frontières de son pays.
En France, c’est Patricia Darré qui tient le haut du pavé. Sa capacité à voir clairement les Esprits de défunts qui errent pour certains depuis plusieurs siècles, attachés depuis tout ce temps à des lieux, à en expliciter la vie et à les libérer, l’a fait connaître au monde. Son dernier ouvrage Le Templier m’a dit est ainsi consacré à l’âme du Templier Jacques de Morlay, et à la mission que ce dernier lui confie (dont elle rend compte minutieusement dans le livre). En dehors de ces témoignages écrits, qui rendent compte des situations les plus exceptionnelles rencontrées dans l’exercice de cette « fonction », elle intervient au sein de lieux énergétiquement chargés, où une âme a pu demeurer.